Avant de
quitter Quito j’ai eu un dernier repas avec un cinéaste, très doux, très gentil
et très ivre aussi. Il m’a reçu avec beaucoup de scepticisme. Tu sais, les gens
en l’Equateur, son doux, ils parlent comme si la seule façon de parler c’était
avec tendresse, même quand ils sont de caractère dur, comme lui, un vieux
militant d’un mouvement politique, ils gardent une allure calme, tranquille,
sans agressivité.
Je t’écris
d’ici, a Lima, assise sur le toit de la maison de mon ami Mirko - qui dort - je
ne supporte pas le silence du petit matin, ces émotions fortes que je ressens
m’empêchent de dormir et je pense en silence a ce grand voyage que je viens de prendre.
C’est une nouvelle expérience de faire face à la peur, je crois que je m’en
sortirais victorieuse.
Sur les
toits voisins j’aperçois des drapeaux rouges et blancs, c’est la fête
nationale. Tout le monde se prépare à regarder demain par la télévision la
prise du pouvoir du nouveau président Alonso Garcia. C’est ironique, mon arrivé
ici se passe juste un jour avant la prise du pouvoir. C’est le destin, les
accidents de la vie. Je viens pour récupérer ma mémoire, mes souvenirs, et je
trouve un pays qui vit une amnésie collective. Alonso Garcia deviens président
une deuxième fois, la première fois il avait fuit le pays en le laissant en
ruines, et vingt ans plus tard les gens ici le réélisent….La vie est
paradoxale.
Alors c’est
comme ça que j’ai rencontré M. Samaniego a Quito. Je l’ai appelé le matin
quelques heures avant mon départ, il m’a donné rendez vous dans un restaurant
du centre de la ville. « On peut se voir a La Boca del Lobo, un très bon
restaurant pas cher » M’a-t-il dit.
J’ai
raccroché et dit en souriant a Diana - ma fidèle et chère amie dont je t’ai
parlé: « Quel endroit pour se voir avant mon départ au Pérou ». La
Boca de Lobo : La Bouche du Loup. Serais ça un présage ?
Je crois
que tu m’avais demandé à l’hôtel pourquoi je prenais ce risque. Je t’avais
répondu ?
Samaniego,
le doux militant, il me parle de son projet de film : «J’essaye d’étudier
comment était la vie quotidienne des anciens guérilleros pendant leur vie en
clandestinité. » On boit de la bière, on mange un délicieux plat de
poisson cru, et sa voix continue à être calme, presque indifférente, sans
passion.
Au même
temps que la conversation se déroule je me demande quel est le but de mon long
voyage. Pourquoi prends je ce risque dont tu m’avais fait réfléchir.
Mais, je
suis finalement la, a quelques moments de mon départ. Je suis effrayé,
j’appelle constamment mon avocat au téléphone. Il est en vacances et il ne peut
pas venir à l’aéroport pour me recevoir comme c’était prévu. J’ai une mauvaise
prémonition, mais c’est trop tard, il faut aller à la rencontre de
moi-même. A la rencontre d’une parti de mon histoire. Une pensée continue a
venir a ma tête: Quel est la signification de tout ça ? Quel est le sens
de tout ce long voyage, ce grand effort que je fais pour maintenir la clarté
sur qui je suis?
« C’est
une belle idée », il me répond quand je lui parle sur l’histoire pour mon
film. En faite, cette idée a été conçue pendant notre conversation dans le café
de notre hôtel - parce qu’il est a nous cet hôtel, n’est ce pas, Carlos?
Tu ne
retournerais jamais à ce café, à cet hôtel, à ces couloirs de l’aéroport sans y
penser a moi, je le sais. Ces grands couloirs obscurs, tu te souviens ?
Notre conversation au milieu des forts bruits des machines de nettoyage et des
escaliers électriques, je t’avais dis : Tu n’oublierais jamais cette
rencontre. Je ne me souviens pas très bien ce que tu m’avais répondu. Mais je
me souviens que très vite tu m’as dit que tu sentais en moi un sens poétique.
C’est à ce moment que j’ai eu envie de me rapprocher de toi, j’ai eu envie de
t’embrasser. Je me suis rendu compte que j’aurai une grande tristesse si je ne
te voyais plus jamais. Carlos.
Laisse moi
continuer avec mon histoire de mon dépars de Quito. Ca ne fait pas très
longtemps que je connais cette ville, et je l’aime déjà. Elle est arrivé a moi
par accident, mais elle est généreuse, elle m’apporte l’intervalle nécessaire
pour pouvoir reprendre le dernier morceau de mon voyage, le morceau plus
important.
J’avais lu
quelque part que les besoins arrêtent d’être importants une fois on les
satisfecit. Intéressant. Car pour moi, j’ai un vrai besoin de venir au Pérou,
mais quelque part je craint une chose : Je me demande si une fois mon
besoin de me retrouver avec ce pays sera satisfait je me sentirais vide,
banale, triste, car j’aurais perdu le fantasme de la nostalgie. Se fantasme qui
m’a accompagné et qui fait parti de moi depuis plus de dix ans.
Pendant le
repas je pensais a qui serais je après cet rencontre avec mon pays? Qui
serais je? Je ne serais plus l'Alma qui ne peut pas rentrer à son pays, je
n’aurais plus cette lourde histoire devant moi. Non. Je serais une autre. C’est
un risque que je suis prête à prendre. Toi et moi on s’est connu au moment ou
mon statut d’exilé était en train de changer. Apres ce voyage, je ne serais
plus jamais cette étrangère forcée. Je serais une étrangère par choix. Les
choix, c’est difficile de prendre des choix, ne c’est pas Carlos, mon cher
Carlos d’une nuit XX vécu dans cette capsule d’aire qui était notre chambre
d’hôtel. J’ai une pensée dans la tête : toi et moi on a pas encore vu le
ciel ensemble, ni la lumière du jour.
Ma
conversation avec Samaniego continue, j’ai un bon feeling de cette rencontre.
En parlant avec lui je commence a voir mieux l’idée pour mon film: Une maison
prise. La casa tomada. Je lui raconte brièvement l’ histoire :
« …Elle se déroule dans une maison ou on emmène des gens. Les gens
arrivent avec les yeux bandés. C’est une histoire construite à partir les relations
qui s’établissent entre les gens qui habitent dans cette maison….. » Je
sens que je tremble, je lui regarde, et son calme me donne la confiance pour
continuer. « Mais eux, ils ont été menés dans cette maison là à la
force… » Je lui dis. « Elle est ou cette maison, dans quelle
ville ? Tu veux tourner a Quito ? » Me demande Samaniego.
« C’est Lima » Je luis dis, « ça pourrais être Quito
aussi… »
« Mais
non, ici, c’est les Andes, Lima c’est la cote, la mer, tu ne pourrais pas
tourner ça ici… » Je me rends compte que j’ai perdu un peu le sens
géographique, dans ce moment j’habite dans une seule pensée : Mon retour
au Pérou.
Je
reprends : « L’histoire commence par un jour à Lima. Une ville.
Différent maisons dans les quels les gens sont en train de mener leur vie
quotidienne. Une femme et un homme regardent la télévision avec, sans passion.
Un homme qui lave les assiettes avec sa femme allemande qui lui donne des
ordres. Une femme dans une autre maison en train de se préparer pour dormir. Un
homme qui répare et nettoies une voiture. Un autre qui dort dans une chambre,
entouré de ses guitares, on entend de la musique, il s’endort. »
« Tout
d’un coup on entend une sirène d’alerte dans la ville. Une couleur rouge inonde
leur visage, ils regardent tous dehors. Leur visage s’illumine par une couleur
rouge et il s’éteint peu après. »
« On
voit des jambes avec des bottes en train de courir. Des bottes militaires. Ils
rentrent dans les maisons, sans taper, sans annonce. Ils arrivent. Le ciel devient
très obscur, il devient presque bleu : la nuit se prépare pour mourir.
Pour mourir et donner rentrée au petit matin. Lima s’endort. Lima se réveille.
La vie change, c’est l’aube qui accueilli le changement de saison dans la vie
de ses gens. »
« Une belle
idée » me répond Samaniego. Oui, je lui dis : « Je ne crois pas
qu’assez de choses soient dites sur notre histoire, notre histoire proche, sur
les raisons d’autant de violence et destruction. Toutes les histoires sont
toujours racontés en partant d’un point de vue, et notre histoire a été
toujours raconté par un point de vue externe, le point de vue des militaires,
des policiers, mais ou est le point de vue des gens adeptes a ce mouvement qui
a changé l’histoire contemporaine du Pérou? »
Je change de
posture, et je m’arrête : « Diana, il faut qu’on essaye encore avec
mon avocat ». Je veux que mon avocat cherche quelqu’un pour venir à
l’aéroport. On essaye d’appeler encore et ça ne marche pas. L’avocat ne répond
pas. Je commence à être un peu inquiète. Même si il m’a répété qu’il n’y aurait
pas des problèmes, que j’étais libre de rentrer, même si j’ai des bons amis qui
viennent me prendre à l’aéroport, j’ai encore un grand besoin d’être rassuré.
Je vois
l’heure, il faut partir. On paye, et je dis vite au revoir à Samaniego, il me
demande : « Mais après ? L’histoire, comment elle est finie ton
histoire ? » Je lui dit que la fin de cette histoire je l’aurai après
mon voyage, que c’est un sujet très proche a moi, que je la finirais quand
j’aurais toutes les bouts qui restent, que je connais pas encore.
Je promets
à tout le monde de se revoir à mon retour. J’essaye sans succès une dernière
fois d’appeler mon avocat…. Je prends mes valises, il faut que je continue mon
dernier bout du chemin.
L’avion annonce
qu’il décolle pour Lima, j’ai dans ma tête les dernières images de Quito. Je
suis la, je vais à la rencontre de moi-même.
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